L’entreprise à mission est un moyen offert aux entreprises de retrouver le sens véritable de leur projet entrepreneurial et d’assumer toutes leurs responsabilités vis-à-vis de leur écosystème.
Qu’est-ce que l’entreprise à mission ?
Le projet de loi PACTE prévoit, sur la base du volontariat, la création d’un statut de société à mission, pour les entreprises dotées d’une raison d’être et dont les statuts
- définissent une mission qui assigne la poursuite d’objectifs sociaux et environnementaux
- précisent la composition, le fonctionnement et les moyens d’un conseil chargé de suivre l’exécution de la mission (conseil de mission).
Cette évolution, fortement inspirée des travaux de recherche menés dans le cadre de la chaire « Théorie de l’entreprise -Modèles de gouvernance et création collective » au sein de Mines ParisTech depuis plus de 10 ans, permettra de créer une catégorie de sociétés qui inscriront dans leur statut la définition d’un projet d’entreprise engageant à la fois les actionnaires et les salariés ainsi que d’autres parties prenantes choisies par l’entreprise.
Dans son principe, la mission doit décrire avec le plus de précision possible les engagements que l’entreprise prend vis-à-vis d’elle-même, de la planète, de ses salariés et ses actionnaires, de ses territoires, de ses clients et de ses fournisseurs ou d’autres partenaires (experts, ONG, populations, riverains) qui lui semblent pertinents. Chaque entreprise est parfaitement libre de définir les engagements et les parties prenantes correspondantes, qui lui sembleront les plus pertinents pour assurer la pérennité du projet entrepreneurial qui constitue sa raison d’être.
A quels enjeux répond l’entreprise à mission ?
L’entreprise, et tout particulièrement la grande entreprise transnationale, est aujourd’hui profondément remise en cause.
La financiarisation de l’économie, combinée à la doctrine de la « corporate governance » a donné aux actionnaires des droits sur l’utilisation des profits qui a rompu le schéma historique des profits venant d’abord alimenter l’investissement dans l’innovation avant de rémunérer les actionnaires.
Légitimés par la théorie économique de l’agence, les intérêts des dirigeants ont été alignés sur ceux des actionnaires, créant à la fois des inégalités accrues au sein des entreprises (écarts salariaux) et a fortiori entre les dirigeants et l’ensemble de la population. A l’intérieur des entreprises, cet alignement entretient une forme de suspicion sur le mode de décision des dirigeants (intérêt de l’entreprise ou intérêt des actionnaires ?)
Parallèlement, les attentes des salariés envers les entreprises s’exacerbent : la quête de sens devient essentielle, le souci de son développement personnel omniprésent. Alors que de nombreuses institutions sociales ont perdu de leur pouvoir de structurer la société, l’entreprise reste une institution qui contribue à donner un cadre pour les individus. Ils en attendent donc toujours plus. Les consommateurs sont de plus en plus méfiants envers la promesse de l’entreprise, en particulier dans l’agro-alimentaire. Ils sont également de plus en plus méfiants envers les comportements des entreprises et leurs conséquences sur
l’environnement et la société. De plus, la transformation de nos sociétés a été fondamentalement l’effet des innovations amenées par les entreprises. Les citoyens sont bien conscients du pouvoir réel sur leur vie de tous les jours des grandes entreprises. Celles-ci ne peuvent plus négliger leurs responsabilités « politiques », au sens large du terme.
Toutes les réflexions qui ont conduit à cette évolution juridique visent à créer les conditions pour que les entreprises puissent assumer leurs responsabilités vis-à-vis de la société dans son ensemble. Il s’agit de retrouver le sens véritable de leur projet entrepreneurial, tourné vers l’innovation au service d’un bien commun et d’assumer toutes leurs responsabilités vis-à-vis de leur écosystème.
Alain Schnapper